Rapport final de l’observation des élections présidentielles de 2018 Antananarivo, le 25 janvier 2018

Toutes les étapes du processus électoral, lors du premier tour et du deuxième tour des élections présidentielles de 2018 se sont déroulées relativement dans le calme malgré les incidents et les défaillances constatés. Le nouveau Président est élu suite à la proclamation officielle des résultats du scrutin du 19 décembre par la HCC. L’observatoire SAFIDY a constaté des irrégularités qui doivent être remédiées pour les élections à venir. Avec ses 7000 observateurs, l’Observatoire SAFIDY a pu couvrir 9350 bureaux de vote, ce qui représente 40% de l’électorat. Elle est la plus grande mission d’observation électorale malagasy déployée pendant les élections présidentielles de 2018. Dans sa mission d’observation, une méthodologie spécifique a été adoptée pour chaque étape du cycle électoral sur l’élaboration du cadre légal, la Révision Annuelle de la Liste Electorale, la pré-campagne, la campagne électorale, le jour de silence, le jour du scrutin, les opérations au niveau de la SRMV, , la vérification, compilation et traitement/analyse des données pour la proclamation des résultats provisoires au niveau de la CENI, le traitement du contentieux électoral au niveau de la HCC. La phase post-électorale notamment le suivi et observation de la réalisation des promesses de campagne fait partie de la mission de SAFIDY. Quelques constats récurrents qui entachent le processus électoral. Concernant le cadre juridique, des vides ont été constatés entre autres sur le cadrage légal de la période de précampagne combinée avec la courte durée de la campagne, l’absence de plafonnement des dépenses de campagne, l’interdiction des financements étrangers et le caractère non obligatoire d’ouverture d’un compte bancaire. Ce qui a pénalisé les principes d’égalité de chance entre les candidats et a engendré la débauche de moyens et l’utilisation indécente et opaque d’argent aggravant ainsi l’achat de votes et la corruption électorale. Par rapport à la liste avant la RALE (01 décembre 2017), SAFIDY a constaté une augmentation de 8,9% d’électeurs dans les listes concernées. Une des raisons des lacunes en est l’insuffisance de la sensibilisation et mobilisation des électeurs à aller s’inscrire durant la dernière RALE. Très peu d’organisations y ont participé et les outils comme les affiches, les spots radio/TV, les dépliants, les ciné/sono mobiles, les visites à domicile par des leaders communautaires et/ou les réunions communautaires ont été insuffisants et/ou mal déployés. Les citoyens ne s’y prêtaient attention que trop tardivement. Fautes de moyens, de motivations, et/ou par manque de redevabilité envers les citoyens, les Chefs Fokontany et membres des CLRE n’ont pas convenablement assuré leurs rôles. L’intégration des données et leur contrôle au niveau de la CENI aussi ont été relativement défaillants. Les campagnes électorales ont été très actives et ont intéressé les citoyens aussi bien des zones urbaines que rurales. Plus d’engagement des femmes et des jeunes dans les campagnes électorales ont été également constatées surtout celles faites directement par les candidats, avec un léger avantage d’intérêts de ces groupes en faveur du candidat n- 13.L’abus des prérogatives de puissance publique violant le principe d’impartialité dans les régions d’intervention du projet a été faible. Cependant, SAFIDY à travers les signalements de ses observateurs et de simples citoyens a remarqué les travaux d’influence en faveur du candidat n-13 faits par les personnels du Ministère de l’Intérieur notamment les Chefs Districts, les Chefs/Délégués d’Arrondissement et les Chefs Fokontany. Pendant les deux tours, la plupart des bureaux de vote ont ouvert à temps : 82,8% au 1er tour et croissant à 88,4% au deuxième. 75% des bureaux de votes disposaient des matériels complets à l’ouverture au 1er tour et s’est amélioré à 95,4% pendant le 2ème tour. 94,4% des bureaux de vote au 1er tour et 91,8% au 2ème tour avec tous leurs membres à l’ouverture. Plus de 90% des BV ont été couverts par au moins un délégué de avec un léger avantage de couverture pour le candidat n-13.En résumé, pendant le Jour J, l’organisation des élections s’est globalement améliorée entre les deux tours. Pendant les deux tours, SAFIDY a mis en place un centre de veille avec le concours de la CENI, des forces de l’ordre (Gendarmerie et Police nationale), le PEV et la CNIDH. Ce centre de veille a pu collecter et traiter 71 signalements durant les jours de scrutin de l’élection présidentielle : 27 pendant le 1er tour et 44 au 2ème tour dont 4 signalements en dehors des 7 régions d’intervention de SAFIDY. De manière générale, les opérations dans les SRMV se sont passées sans trop de problèmes sauf au niveau de 3 SRMV pendant le 2ème tour où les Présidents des SRMV ont trouvé les moyens de refuser les requêtes d’informations des observateurs et/ou des représentants des candidats arguant que ça retarde leur travail. Toutefois, pendant les deux tours, tous les observateurs internationaux, tous les délégués des candidats et presque tous les observateurs nationaux ont pu entrer dans les SRMV lorsqu’ils étaient présents. A partir des résultats provisoires par BV émis par la CENI pendant les deux tours, SAFIDY a recalculé par son propre système les résultats consolidés par commune, par district, par région et au niveau national et n’a trouvé aucune erreur. Notre Expert ayant observé l’Audit du système informatique de la CENI a constaté la fiabilité dudit système.07 institutions et 05 Organisations de la société civile, se sont donné la main pour concevoir ensemble une Charte de bonne conduite et d’intégrité des candidats à l’élection présidentielle. La Charte a pour but d’éclairer le choix des électeurs à travers le comportement des candidats mais également d’inciter ces derniers à œuvrer au bon déroulement de l’ensemble du processus électoral, et à rejeter toute initiative qui viserait à le perturber ou à le bloquer. Bien que seuls 12 candidats sur 36 ont daigné signer la Charte, l’ensemble des 36 candidats ont fait l’objet de suivi par le Comité Paritaire pour la Charte (CPC). Les constats hebdomadaires émis par le CPC ont montré que les partis, les candidats et leurs soutiens ont constamment bafoués certains principes et engagements garantissant des élections crédibles. Des recommandations importantes à court, moyen et long terme pour améliorer l’organisation des élections et prévenir les mauvaises pratiques électorales. Sur le respect de l’Etat de droit. l’application effective de la loi est primordiale et est à renforcer par les Institutions censées être les responsables comme la CENI et la HCC.Sur la RALE. Outre l’exigence de l’implication de toutes les parties prenantes dans la RALE, le renforcement de la sensibilisation, la dotation de matériels adéquats pour assurer une meilleure traçabilité de toutes les opérations, le renforcement des capacités des membres des CLRE, le contrôle d’intégrité des données pendant la saisie sont à faire dans le court terme. A long terme avant 2022, l’amélioration de la procédure dans l’Etat Civil notamment la CIN biométrique est un effort à faire pour renforcer la crédibilité de la liste électorale et des élections en général et aura des effets positifs transversaux sur d’autres secteurs.Sur la campagne électorale. La campagne électorale devrait être un moyen de garantir un minimum d’égalité de chance entre les candidats, la CENI doit améliorer la composition et la façon de travailler de la Cellule de veille mise en place en son sein assurant la fonction de l’ANCRM. Consolidation d’un espace et partenariat pérenne entre les médias publics (ORTM, RNM, TVM) et les OSC avec la facilitation de la CENI pour l’équilibre des informations. L‘autorisation de la couverture nationale des médias privés, l’augmentation de la durée de campagne électorale sont les chantiers à moyen terme.Pour l’administration électorale. Faire une analyse des risques et/ou audit organisationnel et technique indépendant de la CENI et du mécanisme d’appui SACEM, réorganiser les démembrements de la CENI tirant des leçons de cette analyse et Audit pour garantir au maximum l’opérationnalité et l’indépendance de la CENI, l’amélioration de la communication faite par la CENI sur l’opération électorale, la transparence de l’utilisation des fonds utilisés pour l’organisation des élections par la CENI, HCC, Société Civile, etc.Sur l’amélioration du cadre institutionnel et légal, SAFIDY suggère les améliorations suivantes : prévoir le financement des élections par le fonds propre et ressources internes du Gouvernement Malagasy ; commencer le processus de refonte et/ou révision des lois électorales dès maintenant pour avoir des lois adoptées au moins de deux années avant l’échéance électorale 2023/2024 ; en capitalisant sur le Gouvernement Ntsay Christian, mettre en place un Gouvernement de salut public formé par des techniciens et apolitiques pendant 4 à 6 mois pour assurer la préparation et organisation des élections présidentielles avec la CENI ; élargir la durée de la campagne électorale et référendaire officielle sur une période plus ou moins longue, promouvoir la redevabilité locale en faisant élire le président et le vice-président du bureau électoral par les Fokonolona ; interdire la contribution d’État étranger et des personnes physiques ou morales étrangères de droit privé pour le financement des dépenses électorales ; instaurer l’obligation d’ouverture d’un compte bancaire ; fixer un plafonnement des dépenses engagées pour la campagne électorale ; renforcer les mesures pour garantir la neutralité de l’Administration et l’interdiction de l’utilisation abusive des prérogatives de puissance publique pendant les élections.Le contentieux électoral. Conduire une série d’Ateliers de formation spécifiques dans les régions pour les OSC/Observateurs, la CENI/Démembrements et autres acteurs sur les procédures à suivre et les preuves à fournir sur les irrégularités, anomalies et fraudes constatées ; conduire une campagne de communication pour mobiliser les citoyens à oser dénoncer/Faire des recours ; former des avocats sur le contentieux électoral. A long terme, rallonger le délai de traitement des requêtes au niveau de la HCC, renforcer les dispositions de traitement et de prise en compte des infractions pénales constatées ou signalées.Enfin, en prenant acte du taux de participation très faible de 48% pendant les élections 2018, l’obligation d’aller voter est un sujet qui mérite des débats approfondis. Contact : safidy.observatoire@gmail.com

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