Déclaration de SAFIDY sur la refonte totale des listes électorales et du registre national des électeurs

Antananarivo, 16 mars 2023

La refonte totale des listes électorales et du registre national des électeurs s’est déroulée sans incident majeur même si les objectifs fixés au départ n’ont pas été atteints à cause d’anomalies constatées dans l’organisation et les actions mises en œuvre.

Selon la loi organique n° 2018-008 portant régime général des élections et des référendums, et en application du décret n° 2022-667 sur la refonte des listes électorales et du registre électoral national, la Commission Électorale Nationale Indépendante et ses démembrements assurent la mise en œuvre de la refonte totale des listes électorales et du registre électoral national. L’observatoire des élections SAFIDY, en respectant les principes fondamentaux d’objectivité et de neutralité politique, a observé cette étape très importante du processus électoral pour contribuer à assurer la transparence, la crédibilité et l’acceptation par tous des résultats des prochaines élections, gages de la consolidation de la démocratie et de la paix à Madagascar.

Constats généraux :
Suite aux observations effectuées par l’Observatoire des élections SAFIDY, les points suivants ont été relevés :

• L’objectif fixé par la CENI d’inscrire 13,5 millions d’électeurs est atteint à 67%1 le 01 février 2023, tenant déjà en compte la prolongation d’un mois de l’étape de recensement et d’inscription au niveau des Fokontany. Etape initialement prévue se terminer au 31 Décembre 2022.
● Au niveau des districts observés par SAFIDY :

o 61% des électeurs ciblés ont été inscrits dans la liste des électeurs jusqu’à fin janvier 2023 ;

o Seulement 13% des districts ont pu atteindre plus de 75% des objectifs fixés par la CENI tandis que 17%2 n’ont pas pu atteindre 50% de leurs objectifs.

Résultats de nos observations
Par rapport au Comité Local de Recensement des Electeurs (CLRE)
L’opération de la refonte totale du registre des électeurs s’est basée sur le recensement des citoyens de 18 ans révolus, au niveau fokontany par la Commission Locale de Recensement des Électeurs ou CLRE. La nomination de la CLRE selon le décret N° 2022_667 relatif à la refonte totale de la liste électorale et du registre des électeurs, relève de l’attribution de la Commission Électorale District ou CED sur proposition de noms des membres par la Commission Electorale Communale.
L’observation de SAFIDY note que 90% des nominations des CLRE ont été accompagnées d’un PV par les CED. Seulement 28% ont affirmé avoir effectué des affichages de ces nominations. Au niveau de laCEC, 20% ont affirmé ne pas avoir contribué ou proposé la nomination des membres de la CLRE au niveau de leurs communes.

Comme le CLRE doit être composé du premier responsable du Fokontany et de deux à quatre représentants du Fokontany, l’Observatoire Safidy a observé 5,65% des Fokontany qui n’ont pas respecté cette composition. En outre, 19% des fokontany ont une composition du CLRE dans lequel à la fois le président du FKT, le Vice-Président du Fokontany et le secrétaire sont membres.
96,67% des membres de CLRE ont affirmé avoir reçu une formation sur leurs rôles et tâches pendant la refonte du registre des électeurs.
Les CLRE ont soulevé les problèmes suivants : la faible implication et motivation des citoyens à s’inscrire dans la liste électorale, l’insuffisance des matériels de recensement des électeurs et l’insuffisance ou même la quasi-inexistence de sensibilisation et d’information concernant la refonte totale des listes électorales au niveau de leur Fokontany.
Par rapport aux agents recenseurs 90% des fokontany observés3 ont affirmé avoir disposé d’un Agent Recenseur (AR) lors de la réalisation de la refonte totale des listes électorales. Pour leur recrutement, 71,76% des agents recenseurs ont affirmé avoir répondu à l’appel à candidature de la CENI, 18,42 % ont été nommés sans avoir répondu à l’appel à candidature, 5% ont parlé directement au responsable fokontany.
98 % de ces agents recenseurs ont affirmé avoir bénéficié d’une formation de la part des CED avant la réalisation de la refonte.
L’insuffisance de connaissance des agents recenseurs de leur localité d’intervention, combinée avec la réticence des CLRE à collaborer, à cause des faibles motivations/indemnités, ainsi que l’indisponibilité des électeurs lors des passages répétitifs des Agents Recenseurs, rendant leurs tâches encore plus difficiles, ont été parmi les causes des défaillances fréquemment citées par les AR. En effet,

• 26% des AR ont mentionné avoir eu très peu, voire même aucun accompagnement des CLRE.

• Lors des visites à domicile des AR, pendant lesquelles les électeurs ont été indisponibles, 79,55% ont été recensés une deuxième fois, les restes ont été informés de passer au bureau du fokontany, ou ont fait l’objet de collecte de CNI, ou ont déposé/fourni une lettre de procuration.
Par rapport aux démembrements de la CENI
Composition des démembrements
SAFIDY note la prédominance des anciens membres au sein des démembrements de la CENI au niveau régional, district et communal : 39% seulement sont des nouveaux membres. SAFIDY remarque qu’il y a eu des changements au niveau des démembrements district et commune de la CENI, même si aucun appel à candidatures n’a encore été lancé.
SAFIDY relève également une faible approche genre dans la composition de ces démembrements car les femmes ne représentent que 29% de leur composition. Pour les postes de décision, soit président ou vice-président, 19 % sont des femmes au niveau des démembrements de la CENI.

Une faible inclusion et participation des jeunes est aussi constatée. Seulement 18,59%4 sont des jeunes de moins de 35 ans et parmi eux 10 % occupent des postes de décision soit président ou vice-président des démembrements de la CENI.
SAFIDY note que 49,71% des démembrements de la CENI sont formés par des agents publics (fonctionnaires et retraités).
La participation des organisations de la société civile au niveau des démembrements de la CENI est aussi significative, de l’ordre de 46,38% : Des membres issus des OSC ayant des expériences dans l’observation des élections comme le KMF/CNOE, Croix Rouge Malagasy, Justice et Paix et Accès Zon’Olombelona, … et une importance remarquée des membres issus du KMF/CNOE dans les 13 CER parmi les 21, soit 62 %5. Ce taux est de 30% pour les CED, soit 24 sur 79 districts ayant fourni des informations.
Administration de l’opération refonte par les démembrements :
Au niveau des CED, d’une manière générale, 94% des CED ont affirmé avoir bénéficié d’une formation pour la mise en œuvre de la refonte. 20% des CED ont affirmé l’insuffisance des matériels pour la réalisation de la refonte de la liste électorale. 81 % des districts affirment avoir bénéficié directement d’une sensibilisation de la part de la CENI nationale. Presque tous les CED observés ont affirmé avoir bénéficié d’une campagne de jugement supplétif et d’opération CNI.
Au niveau des CEC, d’une manière générale, 56% et 19% des communes ont respectivement commencé l’opération refonte à la première moitié et la deuxième moitié d’octobre 2022. 25 % des communes ont donc accusé un retard de commencement de plus d’un mois. 50% des CEC ont affirmé l’existence de sensibilisation directe par la CENI au niveau de leurs communes. Presque toutes les CEC ont affirmé avoir bénéficié d’une campagne de jugement supplétif et opération CNI.
Au niveau des citoyens, sur la modalité de recensement des électeurs, 77% affirment avoir eu la visite des AR à leur domicile tandis que 21% d’entre eux ont effectué leurs inscriptions directement auprès de leur fokontany respectif. 95% affirment avoir obtenu la souche de leur inscription comme preuve de leur recensement. Les citoyens ont relevé l’insuffisance de sensibilisation et d’information concernant la refonte totale de la liste électorale et la méconnaissance du planning des agents recenseurs lors des recensements ainsi que du planning général de l’opération de la refonte.
Recommandations
Suite aux observations et analyses effectuées, l’Observatoire des élections SAFIDY émet les principales recommandations suivantes : ● Renforcer la sensibilisation et l’éducation électorale pour motiver et convaincre les citoyens à s’inscrire dans la liste électorale. Pour cela il est nécessaire d’’accroitre la confiance des citoyens aux élections notamment aux Institutions électorales réellement indépendantes, impartiales et surtout transparentes et faciliter la compréhension par les citoyens des procédures à suivre lors du processus de la refonte. Ainsi, inclure des émissions et publicités fréquentes dans les médias publics nationaux et leurs antennes régionales (TVM et RNM) et les radios locales, poursuivre l’envoi des SMS

par la CENI, renforcer les communications via les réseaux sociaux, et renforcer les actions d’éducation par les OSC et autres acteurs (Partis politiques, Eglises, leaders traditionnels, etc.).

● Renforcer les capacités techniques pour une meilleure anticipation et de planification pour mettre en œuvre les actions : Cadres légaux et institutionnels, Budgétisation et mobilisation/accès aux ressources et financements, acquisition et distribution des matériels, l’organisation des formations, l’utilisation des NTIC, etc.

● Mettre en place des procédures et instructions claires pour tous les acteurs impliqués : Eviter les changements fréquents dans le temps et entre les démembrements de la CENI au niveau régional, district, commune et Fokontany/CLRE. Ces procédures et instructions doivent inclure les responsabilités de chaque acteur et les collaborations/interactions entre eux.

● Renforcer la transparence et l’accès aux informations du processus de la refonte notamment les budgets, les opérations de jugements supplétifs, la distribution de CNI et l’inscription dans le registre des électeurs. L’accès aux bases de données exploitables des électeurs inscrits pour permettre aux Observateurs de suivre et d’évaluer leur fiabilité.

● Renforcer davantage l’inclusion et l’implication des groupes vulnérables notamment les femmes, les jeunes et les PSH dans le processus électoral surtout leur inclusion dans les listes électorales et leur implication dans les démembrements de la CENI.

Méthodologies :
Afin de suivre le processus de refonte des listes électorales, l’Observatoire SAFIDY a déployé un dispositif comprenant :

● 1 203 observateurs (nationaux, régionaux et aux niveaux des districts et Communes) dont 40,2% de femmes et 57,3% de jeunes. Ces observateurs sont issus de 387 OSC engagées dans SAFIDY.

● Une plateforme informatique/progiciel de remontée et de traitement des données alimentée via des saisies directes par nos observateurs ou via les agents du centre d’appel et de saisie ;

● Une équipe technique et d’analyse en charge de la coordination et des recoupements, ainsi que des traitements des données collectées.
L’Observation menée par SAFIDY a couvert 1086 districts sur les 119 répartis dans les 23 régions et 482 communes de Madagascar. SAFIDY poursuit ses efforts pour maintenir son efficacité en matière d’observation électorale dans le pays afin de contribuer progressivement à l’amélioration du système électoral à Madagascar. A cet effet, il publiera un rapport final de l’observation de la refonte du registre électoral après la date d’échéance du processus de la refonte établie par la CENI.
L’observatoire SAFIDY est une structure indépendante, impartiale, objective. Il a pour mission de recueillir les données et les faits saillants sur le déroulement des élections, et après analyses, de communiquer et publier ses constats techniques. Les analyses et les recommandations issues de ses observations seront partagées à tous les acteurs impliqués dans le processus électoral pour servir d’outils de renforcement, de plaidoyer et d’interpellation. Contact : 034 06 883 65 ; 034 44 019 16 ; 034 06 909 10 / safidy.observatoire@andry

Ce document est produit dans le cadre du projet « Safidy Maharitra » financé par l’Union Europénne. Son contenu relève de la seule responsabilité de l’Observatoire SAFIDY et des Organisations de la Société Civile qui le composent : AIM, PFNOSCM-Vohifiraisana, DRV, YMCA, FTMF, CEDII, MSIS-tatao, ONG Ravintsara, Alliance Voahary Gasy et ONG Ivorary et ne reflète pas nécessairement les avis de l’Union Européenne.


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