DECLARATION PRELIMINAIRE
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“ Des élections législatives marquées par une participation plus active des acteurs politiques avec quelques incidents inquiétants”

Antananarivo, 1er Juin 2024

Constats généraux

  • Le jour du scrutin s’est déroulé dans le calme mais avec quelques incidents et plusieurs irrégularités dont l’intensité varie selon les circonscriptions observées. Le traitement des résultats est malheureusement entaché par des incendies des bâtiments administratifs.
  • Le taux de participation dans les BV observés par SAFIDY est de 41,6%, présentant une légère hausse par rapport à celui de 2019 qui était de 40,71%. Néanmoins, une diminution est constatée par rapport à la dernière élection présidentielle 2023 avec un taux de 46,35%.
  • Les élections législatives du 29 mai 2024 ont semblé être une prolongation de l’élection présidentielle de novembre de 2023. Le paysage politique malgache se caractérise par la formation de coalitions entre les grands partis. Malgré la multitude de candidats indépendants, l’existence de deux principales plateformes d’opposition et un grand nombre de partis politiques, Madagascar a souffert d’un manque de diversité d’opinions et d’idéologies durant la campagne électorale.
  • Des lacunes, des incohérences et des vides juridiques persistent dans les lois électorales actuel. Entre autres, l’ineffectivité des dispositions sur la transparence du financement des campagnes électorales et le défaut de réglementation de la pré-campagne électorale. De plus, le défaut de production simultanée des décrets d’application sur les élections, en violation de la loi, a suscité des inquiétudes parmi les parties prenantes et a compromis l’égalité des chances lors de la préparation des élections.
  • L’administration électorale est bien engagée dans l’organisation mais limitée par ses capacités humaines, techniques et financières et par sa neutralité et indépendance. Des améliorations par rapport à la transparence et la communication ont été constatées mais avec un accès incomplète aux informations pour le public.
  • La participation des groupes vulnérables (jeunes, femmes et personnes handicapées) reste encore limitée malgré les efforts de sensibilisation. Une grande partie de la population rurale a été exclue de l’éducation électorale.
  • Malgré une dynamique émergente, les jeunes candidats, les femmes et les personnes handicapées rencontrent de nombreux défis dans leur quête de représentation politique. L’absence de volonté politique pour la mise en place de l’Autorité Nationale de la Régulation de la Communication Médiatisée est soulevée. Cette institution devrait garantir l’accès équitable des candidats aux services de radiodiffusion et de télévision.
  • Les principes de pluralité, d’éthique, d’équité et d’équilibre durant la campagne électorale sont loin d’être acquis vu les phénomènes de polarisation des médias au profit des politiciens. L’utilisation intensive des médias sociaux par les partis politiques malgaches, particulièrement Facebook, a permis d’accroître la visibilité et l’interaction avec l’électorat, mais a également favorisé la désinformation et la propagation de discours de haine.
  • SAFIDY a reçu 204 signalements du début de la campagne électorale jusqu’au 31 mai 2024.

Méthodologie

Pour assurer une observation représentative des élections législatives, SAFIDY a observé 3839 bureaux de vote répartis dans 405 communes, couvrant 23 régions et 120 districts du pays, en déployant des observateurs fixes et mobiles, à long et court terme.

Le dispositif d’observation se répartit comme suit :

Sur terrain :

  • 2.535 observateurs à long et à court terme dont 47% de femmes, 76% de jeunes, et 2% de personnes handicapées, issus de 762 associations, ONG, plateformes et réseaux confondus. Parmi eux, 181 sont des observateurs bénévoles.

Au niveau national :

  • Une équipe d’analystes (politique, juridique, électoral, médiatique, droits humains et sensibilisation) et de statisticiens chargés du traitement des données et de la présentation des premiers résultats d’observation ;
  • Une équipe chargée de relever les signalements à travers les numéros verts et de transmettre les informations à la cellule de veille constituée par des représentants des Forces de sécurité, de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) et des OSC ;

En ce qui concerne, le choix des zones d’intervention les communes concernées par l’observation ont été choisies selon le poids électoral, la présence d’observateurs intègres et la dynamique politique dans la zone.

SAFIDY va continuer d’observer le traitement des résultats, les contentieux électoraux, la proclamation des résultats et l’acceptation de ces résultats par les acteurs. Un rapport final avec les recommandations techniques sera présenté par l’Observatoire après la proclamation des résultats officiels.

Observations préliminaires

I. Contexte politique

  • Les élections législatives s’apparentent à un second tour des présidentielles

Les élections législatives du 29 mai 2024 ont semblé être une prolongation de l’élection présidentielle de novembre de 2023, avec les partis d’opposition affirmant la continuité de leurs revendications antérieures, tout en participant activement au processus électoral de 2024. En effet, lors de la dernière élection présidentielle, onze candidats sur treize avaient dénoncé des élections jugées partiales et inéquitables. La non prise en compte de leur revendication pour la tenue d’élections conformes à la Constitution et aux normes démocratiques, les a conduit au boycott du processus, et aboutit à la réélection controversée du président Andry Rajoelina dès le premier tour. Quatre anciens candidats à la présidentielle se sont présentés aux législatives, tandis que les partisans du pouvoir ont aligné sept ministres en exercice, transformant ainsi ces élections législatives en une sorte de second tour présidentiel.

  • Vers une centralisation des grands partis en regroupements influents

Le paysage politique malgache pour les législatives de 2024 se caractérise par la formation de coalitions entre les grands partis. D’une part, la coalition pro-pouvoir « Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina » (IRMAR), établie en 2019, est à nouveau active. D’autre part, les anciens membres du collectif des candidats se sont divisés en deux coalitions distinctes : le Collectif des Malagasy et le Groupement de Partis Politiques Firaisankina. Ces coalitions ont adopté une structure de leadership centralisé, prenant des décisions au niveau national concernant la sélection des candidats, ce qui a conduit à l’éviction de plusieurs figures importantes, y compris des députés en fonction, suscitant des tensions internes.

  • Le manque de diversité politique malgré la pluralité des acteurs

Malgré la multitude de candidats indépendants, l’existence de deux principales plateformes d’opposition et un grand nombre de partis politiques, Madagascar a souffert d’un manque de diversité d’opinions et d’idéologies dans son paysage politique, surtout pendant la campagne. Les discours de campagne se ressemblent, ce limitant ainsi le choix des électeurs. En l’absence d’idéologie politique claire au sein des partis, les discours et les actions ont été centrés sur des personnalités plutôt que sur des idées.

II. Cadre juridique et système électoral

  • Conformité du cadre juridique aux normes internationales avec des lacunes persistantes :

En général, les lois électorales constituent une base solide pour organiser une élection conforme aux standards internationaux. Néanmoins certaines lacunes, incohérences et vides juridiques doivent être palliés. Il s’agit entre autres, de l’absence d’encadrement juridique de la période de précampagne électorale, le défaut de sanction dans les cas d’usage des moyens de campagnes électorales avant l’heure et principalement l’ineffectivité de la réglementation du financement des campagnes électorales. En effet, les dispositions sur la transparence du financement des campagnes électorales continuent de ne pas être respectées par les candidats entre autres la désignation du trésorier de compte de campagne, la tenue d’un compte unique et l’ouverture d’un compte bancaire dédié à la gestion des fonds de campagne électorale. Par ailleurs, pendant la période de pré-campagne électorale, SAFIDY constate que certains candidats ont déjà commencé des activités s’apparentant à des activités de campagne électorale. Ce vide juridique a entraîné diverses interprétations sur ce qui peut être fait ou non durant cette période. Les acteurs se sont surtout mis d’accord sur la non-utilisation de l’expression « fidio » ou « votez pour moi ». Cette situation peut éroder la confiance des citoyens et compromettre la légitimité des élections.

  • Production séparée et tardive des décrets d’application :

Contrairement aux précédentes élections, les décrets d’application relatifs à l’organisation des élections législatives ont été publiés séparément et avec un intervalle de temps assez important. En effet, les premiers décrets, portant convocation des électeurs et fixant le montant de la contribution des candidats aux frais d’impression, ont été publiés le 13 février 2023, respectant le délai prévu par la loi. En revanche, le décret fixant le nombre de députés à élire, la répartition des sièges et le découpage des circonscriptions électorales, ainsi que le décret fixant les modèles de certaines pièces à fournir, n’ont été publiés que 13 jours avant le début de l’enregistrement des candidatures, soit un mois après les premiers décrets. C’est également le cas pour le décret fixant les modalités d’organisation des élections législatives de 2024 et détaillant le chronogramme légal. Cette situation est contraire à la loi, qui dispose que les décrets doivent être publiés en même temps que la convocation des électeurs.1 Ce retard a également engendré des inquiétudes et des questionnements
parmi les acteurs, notamment les potentiels candidats, et a compromis l’égalité des chances pendant la préparation des élections.

  • Création d’une nouvelle circonscription et augmentation du nombre de députés à élire

Pour les élections législatives, le système électoral combine le scrutin uninominal majoritaire pour les circonscriptions avec un seul siège à pourvoir et le scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour celles avec deux sièges. Chaque district constitue une circonscription électorale. SAFIDY note que trois semaines après la convocation des électeurs, une nouvelle circonscription administrative a été créée dans la région d’Androy, divisant le district d’Ambovombe en deux pour former le district d’Antanimora Sud. Cette décision a pris la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de court, qui a dû mettre en place rapidement ses démembrements dans ce nouveau district juste avant les élections. Par ailleurs, le seuil pour déterminer le nombre de sièges à pourvoir a augmenté de 10 000 habitants par rapport aux élections législatives de 2019 en raison de la croissance démographique. Cette modification a entraîné une augmentation de douze le nombre de députés à élire, portant leur nombre total à 163 pour les élections de 2024. SAFIDY exprime ses inquiétudes concernant la forte croissance démographique relevée dans certains districts, notamment de 47% pour Betioky Atsimo, 40% pour Ambalavao, 42% pour Ihosy, 34% pour Amboasary Atsimo et 30% pour Ambilobe par rapport à 2019. Le taux moyen de croissance annuelle étant de 3%.2

III. Administration électorale

  • Neutralité et indépendance de la CENI : mise en doute

L’organisation matérielle des élections est assurée par la Commission Électorale Nationale Indépendante. Selon la loi en vigueur qui dispose la durée du mandat des membres de la CENI, cette dernière continue d’assurer son rôle dans l’organisation des élections, malgré le boycott et les revendications de certains partis politiques lors de la dernière élection en 2023. Dans l’exercice de ses attributions, la CENI devrait agir en toute indépendance, impartialité, intégrité, transparence et professionnalisme3. Les interlocuteurs de Safidy ont exprimé à plusieurs reprises leurs doutes par rapport à la neutralité et l’indépendance de l’administration électorale à cause du système de nomination des commissaires. A cela s’ajoute la passivité de la CENI par rapport aux respect des lois pendant la campagne.

La prise de parole du Directeur de Cabinet de la CENI, à Ambatofinandrahana, dans laquelle il donne sa bénédiction et affirme son appui à un certain candidat pourrait potentiellement influencer la neutralité de l’institution. Tout signe de partialité ou de favoritisme venant de la CENI peut compromettre la confiance des électeurs dans le processus électoral et remettre en question l’intégrité de l’institution chargée de garantir des élections justes et transparentes.

  • Communication et transparence améliorée, mais toujours limitée

Au niveau national, SAFIDY note une plus grande ouverture de la part de la CENI en ce qui concerne les élections législatives, comparativement aux élections présidentielles. Cette amélioration s’est manifestée par l’acceptation de rencontrer les représentants de la société civile, la mise en œuvre de certaines suggestions proposées, le partage de données sollicitées par les organisations de la société civile, ainsi que par la réactivité de la CENI face aux irrégularités ou problématiques soulevées. Toutefois, une certaine réticence de la part de la CENI à partager des informations cruciales telles que le budget alloué à la mise en œuvre des activités, les calendriers de formation et le refus de participation des observateurs aux formations au niveau national persiste encore. SAFIDY note aussi l’effort d’apporter des améliorations dans la recherche d’informations sur le site web suite à la recommandation émise par quelques organisations de la société civile, mais regrette que
l’amélioration apportée ne facilite pas encore l’accès complet aux informations.

  • Formation plus élargie avec impact limité

Pour les élections législatives, la CENI a formé tous les cinq membres des bureaux électoraux ce qui montre une amélioration par rapport à la dernière élection dans laquelle trois (3) membres seulement ont participé à la formation. D’ailleurs, cela fait partie des recommandations émises par SAFIDY lors de l’élection présidentielle de 2023. Toutefois, SAFIDY regrette que la tenue des formations organisées par la CENI n’est pas adéquate et homogène, compromettant ainsi l’efficacité des agents formés, avec impact sur le respect des procédures le jour du scrutin. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation, notamment la négligence concernant les formateurs, la logistique, la durée de la formation, la motivation des participants, et le budget alloué.

  • RALE réalisée dans les délais légaux

Selon les lois en vigueur, la Révision Annuelle de la Liste Électorale RALE est une opération électorale obligatoire qui doit être réalisée par la CENI pendant une période bien déterminée 4 . Une augmentation de 5,32% a été constatée après la révision annuelle de la liste électorale de 2023-2024, un résultat supérieur à celui de la refonte totale de la liste électorale. SAFIDY note le respect des délais concernant la mise en œuvre de la RALE, sans aucun changement ni report de date communiqué, contrairement à la refonte précédente. Cependant, SAFIDY constate qu’aucune communication relative au suivi des recommandations émises lors de la refonte totale de la liste n’a été faite. SAFIDY recommande l’ajustement de la communication faite aux acteurs électoraux concernant la date à laquelle les citoyens peuvent se rendre au Fokontany pour s’inscrire sur la liste
électorale. SAFIDY encourage l’utilisation des réseaux sociaux pour sensibiliser les citoyens à s’inscrire sur la liste électorale, tout en suggérant la création d’autres activités visant à toucher les populations rurales ou celles n’ayant pas accès aux réseaux sociaux.

IV. Enregistrement des candidatures

  • Le nombre de candidature en baisse, la caution en hausse

SAFIDY note une baisse significative du nombre de candidatures aux législatives de 2019, passant de 810 à 473, même si le nombre de sièges à pourvoir a augmenté de 151 à 163. Cette diminution s’explique par la hausse de 400 % de la caution de candidature par rapport à 2019 et la consolidation de grands partis politiques en plateforme unifiée. La participation est largement dominée par des personnalités politiques et artistiques bien connues, incluant d’anciens candidats présidentiels, ministres en exercice, anciens ministres, journalistes et artistes, avec peu de nouvelles figures émergentes.

  • Une participation significative des candidats indépendants

Une baisse du taux de participation des candidats indépendants aux élections législatives de 2024, passant de 59% à 48% par rapport à 2019 a été observé. Cette diminution est due principalement aux frais d’impression élevés et à la visibilité réduite causée par le regroupement des grands partis en coalition. Cependant, certains membres des partis exclus par les coalitions ont choisi de se présenter en tant qu’indépendants, rendant ainsi significative la participation indépendante.

  • Contentieux de candidature touchant surtout les partis de l’opposition et les indépendants:

Sur les 519 dossiers soumis à l’Organe de Vérification des Candidatures (OVEC), 51 ont été rejetés pour divers motifs, affectant principalement les coalitions d’opposition et les candidatures indépendantes. En revanche, toutes les candidatures présentées dans les 120 districts par la plateforme de soutien du parti au pouvoir ont été retenues. La principale cause de rejet, représentant 74,5% des cas, était le défaut de présentation du justificatif de paiement des contributions aux frais d’impression des bulletins de vote. Les autres motifs incluent le non-respect des critères d’éligibilité, le dépôt tardif des dossiers de candidature, l’insuffisance de certaines pièces requises, le défaut de présentation de la liste complète des candidats. Sur les 30 requêtes reçues par la CENI, 5 candidatures ont été rétablies et 5 autres confirmées. Par ailleurs, la HCC a traité 17 requêtes et a rétabli une candidature en lui accordant un délai supplémentaire pour le paiement des frais d’impression. Deux demandes de disqualification de candidats ont également été reçues mais rejetées en raison du non-respect des délais légaux.

V. Participation des jeunes, des femmes et des personnes handicapées

Participation des jeunes dans le processus électoral

  • La quête des jeunes candidats : défis et dynamiques émergentes

Les données sur les candidats aux élections législatives révèlent une faible représentation des jeunes de moins de 35 ans au sein des partis politiques établis, avec seulement 18 listes mettant en avant de jeunes candidats. Parmi ces listes, la majorité émane de candidats indépendants, soulignant un déséquilibre dans la représentation générationnelle au sein des structures politiques traditionnelles.

  • Les Jeunes en Politique : Entre Aspirations et Obstacles

Malgré une dynamique émergente, les jeunes candidats rencontrent de nombreux défis dans leur quête de représentation politique. Les partis politiques traditionnels favorisent systématiquement les candidats plus âgés, limitant ainsi les opportunités pour les jeunes aspirants d’accéder à des postes de premier plan. De plus, des obstacles concrets tels que la collecte de fonds et l’accès aux médias entravent leurs campagnes électorales, tandis que leur manque d’influence dans les cercles politiques les maintient dans l’ombre. En outre, des dispositions législatives, comme celles favorisant les candidats plus âgés en cas d’égalité de voix, contredisent les objectifs de la Politique Nationale de la Jeunesse, limitant ainsi la participation politique des jeunes et compromettant leur épanouissement et développement intégral.

  • Poids numérique et disparités régionales : l’engagement politique des Jeunes dans les élections

L’analyse des inscriptions des jeunes sur les listes électorales souligne leur poids numérique dans le processus électoral, représentant 47,18% des électeurs inscrits. Cependant, des disparités régionales significatives existent, avec certains districts affichant une participation des jeunes nettement inférieure à d’autres. Ces variations sont souvent attribuables à des facteurs socio-économiques et démographiques complexes. Les districts densément peuplés tendent à offrir un éventail plus large d’opportunités économiques, éducatives et sociales, ce qui attire une plus grande proportion de jeunes. Par conséquent, il est impératif d’encourager l’engagement politique des jeunes dans les régions moins représentées et de mettre en place des programmes spécifiques visant à stimuler leur participation à la vie politique et électorale.

Participation des femmes

  • Faible candidature féminine aux législatives :

Bien que le nombre de femmes candidates ait augmenté de 3 % en 2024 par rapport à 2019, la baisse générale du nombre de candidatures a entraîné une diminution du nombre total de femmes en lice.

En 2019, 113 femmes se sont présentées sur 810 candidatures enregistrées, tandis qu’en 2024, ce nombre est tombé à 80 sur 473. Seuls 58 des 120 districts avaient des candidates féminines, mettant en évidence une disparité significative dans la représentation politique. Cette diminution peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment le montant de la caution de candidature, la crainte des représailles de la part de la communauté et de la famille, ainsi que le manque de confiance en soi. La peur de la violence, y compris les menaces verbales ou physiques, peut également dissuader les femmes de s’impliquer activement en politique.

  • Préférence pour les candidatures indépendantes :

Sur les 80 femmes candidates aux élections législatives, 37 se présentent en tant que candidates indépendantes, tandis que 39 sont issues des trois principales coalitions de partis et 4 sont présentées par d’autres partis politiques. Cette répartition met en évidence une diversité de voies d’engagement politique pour les femmes et révèle également un faible niveau de représentation féminine au sein des partis politiques établis. Les analyses menées par SAFIDY montrent que les femmes préfèrent se présenter en tant que candidates indépendantes en raison de divers facteurs, notamment la possibilité de promouvoir leurs propres agendas politiques sans être limitées par les affiliations partisanes. Cette tendance peut également refléter un désir de s’éloigner des structures traditionnelles souvent dominées par les hommes au sein des partis politiques, et de prendre des initiatives autonomes dans le domaine politique.

Participation des personnes handicapés

La législation électorale ne prévoit pas de mesures spécifiques pour favoriser la participation effective des personnes handicapées au processus électoral. Bien que l’initiative de la CENI, d’utiliser de gabarits en braille pour les bulletins de vote, soit pertinente, d’autres aspects de l’environnement électoral, tels que l’accessibilité des bâtiments publics, demeurent inadaptés.

De plus, la candidature des personnes handicapées est rare, non seulement à cause de la représentation sociale négative, mais aussi en raison du blocage financier imposé par la caution de candidature de 20 millions d’ariary.

VI. Sensibilisation et éducation citoyenne

L’éducation électorale est un facteur crucial pour une participation citoyenne active et informée. Pourtant, elle demeure négligée dans les allocations budgétaires et la planification, entravant ainsi le plein exercice démocratique des citoyens. La CENI a accordé des ressources pour l’éducation mais elles étaient insuffisantes pour couvrir l’ensemble du territoire. SAFIDY remarque aussi un manque de synergie entre les acteurs impliqués dans la sensibilisation. Cette situation appelle à une prise de conscience urgente et à des mesures concrètes pour intégrer l’éducation électorale au cœur de nos priorités nationales.

Bien que les acteurs impliqués dans l’éducation électorale aient pris quelques initiatives en matière de diversification des supports de communication, SAFIDY déplore le fait que certains groupes, habituellement exclus du processus électoral, restent insuffisamment pris en considération. Parmi ces groupes, on retrouve notamment les personnes handicapées et les populations rurales.

VII. Campagne électorale

  • La neutralité de l’administration publique mise à l’épreuve

Les observateurs ont rapporté une forte mobilisation et implication active des agents de l’administration notamment des préfets, des chefs districts, des chefs fokontany, du personnel éducatif et du personnel de santé, lors des activités de campagne électorale des candidats du parti au pouvoir.

Face à cela, un rappel à l’ordre de la Haute Cour Constitutionnelle été remarqué 5 . Cette situation met
en lumière les défis persistants liés à l’effectivité des lois face à l’impunité et à l’indiscipline observées au sein de l’administration publique malgache.

  • Campagne électorale dynamique, entachée par des irrégularités

En dépit du respect général des libertés de rassemblement et de mouvement, l’atmosphère entre les principaux groupements politiques a été tendue. Les partisans du parti au pouvoir et les oppositions ont concouru avec un objectif clair de majorité parlementaire pour d’un côté, légitimer la victoire présidentielle et assurer une stabilité politique et de l’autre côté, pour instaurer le changement structurel souhaité depuis 2023. SAFIDY note cependant que dans l’ensemble, le contenu des messages diffusés au cours de la campagne électorale n’est pas aligné avec les rôles des députés édictés par l’article 68 de la Constitution. La plupart des discours est focalisée sur des promesses concernant des activités sociales et la mise en place d’infrastructures alors que ce type d’action relève de l’exécutif.

Les irrégularités observées pendant la campagne, concernaient l’arrachage d’affiches, les affichages sauvages et les provocations verbales.

Certains candidats ont bénéficié du soutien des candidats présidentiels de 2023. Par ailleurs, l’implication du président de la République dans la campagne a soulevé des préoccupations sur la légalité de son acte. SAFIDY a noté la présence des candidats d’IRMAR dans la plupart des meetings présidentiels, malgré l’interdiction légale. Le groupement Firaisankina a officiellement saisi la CENI pour dénoncer ces violations. SAFIDY déplore la passivité de l’organisme électoral face à cette situation.

  • La campagne électorale en chiffres :

Safidy a observé la campagne électorale dans 405 communes réparties dans les 120 districts.
L’utilisation de matériels et ressources publics pour favoriser certains candidats a été flagrante dans 4,7% des communes observées. Par ailleurs, la participation des représentants de l’État au niveau des démembrements dans le cadre de la campagne électorale a été remarquée dans 30,7% des communes, celle du personnel de l’éducation dans 27,8%, et celle du personnel de santé dans 15,2% des communes.
La distribution d’argent par les candidats ou leurs partisans a été répertoriée dans 12,3% des communes observées tandis que la distribution d’articles divers, tels que des cuvettes, tee-shirts, vivres, fournitures scolaires a été notée dans 25,2%.
Parmi les communes observées, des affichages ont été apposés dans des églises (2,1%), des bâtiments administratifs (3,7%), et des établissements scolaires (4,5%) malgré l’interdiction légale.
Des incitations à la haine ont été recensées dans 3,9% des communes par des candidats et dans 5% par leurs partisans. Des cas de diffamation publique envers d’autres candidats ont été relevés dans 3,7% des communes.

VIII. Paysage médiatique

  • Absence de volonté politique pour la mise en place de l’ANRCM

Safidy regrette la fermeture de trois radios locales et considère que la liberté de la presse pendant les élections est une question cruciale pour garantir des élections libres et équitables. Malgré les recommandations des missions nationales et internationales depuis les élections de 2018, l’Autorité Nationale de Régulation de la Communication Médiatisée (ANRCM), instituée par la loi depuis 2016.6 n’a pas encore été mise en place et opérationnalisée par l’État. Elle devait jouer un rôle 7 clé pendant les campagnes électorales en garantissant l’accès équitable de tous les candidats aux services de radiodiffusion et de télévision. Faute de volonté de la part du gouvernement, le décret d’application y afférent reste une lettre morte, et n’a jamais vu le jour. Cette velléité à maintes reprises de faire appliquer les normes en matière de régulations de la communication médiatisée révèle l’absence de garanties de la liberté d’expression et du pluralisme dans les médias audiovisuels. Ce manquement porte atteinte à l’effectivité de la démocratie. La CENI assume ce rôle, risquant de devenir à la fois juge et partie, tout en gérant de multiples responsabilités.

  • Bipolarisation des médias

Le phénomène de bipolarisation des médias au profit des politiciens, partagés entre le pro-pouvoir et l’opposition, constitue un obstacle majeur pour l’accès à l’information objective, neutre et instructive.
Pendant la campagne électorale le Ministère de la Communication a exercé une mainmise sur les médias publics. La radiotélévision publique reste fortement soumise aux directives de la communication gouvernementale, aucune volonté d’ouverture n’a été constatée. A leur tour; les médias privés sont contrôlés par des politiciens et des puissants hommes d’affaires. La conséquence est que les principes de pluralité, d’éthique, d’équité et d’équilibre durant les périodes de campagnes électorales sont loin d’être acquis.

  • Les enjeux et défis de l’utilisation de Facebook dans la campagne électorale

L’utilisation intensive des médias sociaux, notamment Facebook, par les partis politiques malgaches a été une stratégie clé pour maximiser leur visibilité et interagir avec l’électorat, permettant une diffusion rapide et large d’informations et augmentant l’engagement des internautes. Cependant, quelquefois, cette campagne a également favorisé la prolifération de discours de haine, d’incitations à la violence et de fausses nouvelles, semant la discorde et la méfiance. Le jour du scrutin, Facebook a servi à dénoncer instantanément les incidents électoraux, mobilisant les électeurs et augmentant la pression sur les autorités, mais a aussi amplifié les tensions politiques. Ces défis mettent en évidence l’importance de mettre en place une régulation claire des contenus afin d’assurer que les futures campagnes soient plus responsables.

IX. Jour du silence

Durant le jour de silence, des réunions publiques en soutien aux candidats ont eu lieu dans 1,56% des 405 communes observées. De plus, des activités de porte-à-porte ont été signalées dans 5,61% des communes durant cette période. Par ailleurs, 5,63% de nos observateurs ont rapporté des activités de campagne électorale sur les réseaux sociaux.

X. Jour du scrutin

  • Taux de participation :

Le taux de participation dans les BV observés par SAFIDY est de 41,6%, présentant une légère hausse par rapport à celui de 2019 qui était de 40,71%. Néanmoins, une diminution est constatée par rapport à la dernière élection présidentielle 2023 avec un taux de 46,35%. Le taux de participation est plus élevé et supérieur à 55% dans les régions Androy (65%), Amoron’i Mania (60%), Anosy (55,2%) tandis qu’il est plus faible et inférieur à 35% dans les régions Boeny (28%), Menabe (32%), SAVA (33%) et Bongolava (33%). Pour rappel, le taux de participation officiel sera publié par la CENI.

  • Ouverture dans 2216 BV

En général, l’ouverture des bureaux de vote s’est déroulée dans un climat relativement calme. Les résultats de l’observation montrent que 77,8% des bureaux de vote (BV) ont ouvert à l’heure légale de 6h, tandis que 1,38% ont connu un retard de plus d’une heure. Les principales raisons rapportées concernent le retard des matériels de vote et/ou du bureau électoral.
La majorité des BV ont respecté les procédures d’ouverture de BV, avec la présence d’au moins trois membres de BV dans 99%, le tirage au sort des signataires des bulletins uniques dans 97,2%.

Les procédures d’ouverture ont été assistées par des délégués de candidats 97,6% des BV et des électeurs dans 83,03% des BV.

  • Déroulement dans 2500 BV

Durant le scrutin, les procédures de vote ont été respectées dans la grande majorité des bureaux de vote (BV) observés. En effet, dans 99,7% de ces BV, les bulletins uniques étaient doublement signés au dos telles que prévues par la loi.

SAFIDY a noté le changement du modèle de l’isoloir mais regrette que ce changement n’ait été insuffisamment et tardivement communiqué aux électeurs. Dans 98,4% des BV, son emplacement a permis de garantir le secret du vote tandis que dans d’autres BV son utilisation n’a pas été conforme à la loi.

Par ailleurs, le bureau électoral a procédé à la vérification des pouces à l’entrée dans 94,2% des BV, de l’inscription des électeurs sur la liste électorale dans 99,4% des BV et des pièces d’identité dans 99%, avant de leur permettre de voter.

Dans 98% des BV observés, les électeurs admis à voter disposaient de pièces d’identité, et dans 99% des BV, les électeurs étaient bien inscrits sur la liste électorale.

De manière générale, les matériels de vote étaient suffisants pour le bon déroulement du scrutin. Aucun manque de bulletins uniques n’a été observé dans 99,4% des BV, et les autres matériels de vote étaient disponibles dans 98,6%. Les électeurs handicapés et âgés ont été assistés dans 45% des BV.

Le déroulement du scrutin s’est passé dans le calme le jour du scrutin dans 97% des BV. Nos observateurs ont remarqué la présence des forces de l’ordre dans 84% des BV. Cependant dans 19% des BV, elles étaient présentes à l’intérieur et aux abords directs des BV, ce qui est non conforme à la loi.

La présence et la supervision de la CENI ont été remarquées dans 68,6% des BV observés. Dans 37% des BV, il y avait des observateurs nationaux autres que SAFIDY tandis que les observateurs internationaux ont été aperçus dans 11%.

La quasi-totalité des BV ont été couvertes par des délégués des candidats. En moyenne, six délégués étaient présents dans chaque BV, incluant en moyenne trois femmes et trois jeunes. La participation des personnes handicapées en tant que délégués est encore très faible, avec seulement une personne handicapée sur vingt délégués.

  • Fermeture et dépouillement dans 1903 BV

91,8% des BV observés ont fermé à 17h comme prévu. Dans 16%, des électeurs faisaient encore la queue pour voter après l’heure de fermeture légale. Les pièces d’identité des électeurs dans la file d’attente, pour leur permettre de voter, ont été collectées dans 9,4% des BV. Les autres n’ont pas appliqué cette procédure.

La fermeture des BV s’est généralement déroulée dans le calme, dans 97,7% des BV observés, en présence d’au moins 10 électeurs dans 85% des BV, dans 97,5% des délégués de candidats et dans 36% d’ observateurs autres que ceux de SAFIDY.

Dans 66% des BV, plus du quart des personnes présentes étaient des femmes. Par ailleurs, dans 75% des BV, 25% des présents étaient des jeunes.

Le début du dépouillement a été marqué par une coupure d’électricité dans 17% des BV observés, touchant principalement les régions d’Analamanga (69%) et Itasy (24%).

Concernant la désignation des scrutateurs, dans 26% des BV, ils ont été désignés par des personnes autres que les délégués des candidats dûe à la méconnaissance des procédures.

Dans 98,2%des BV observés, , le dépouillement et le remplissage du PV ont été réalisés le soir même. Dans 22% des BV, des délégués de candidats ont inscrit leurs observations sur le PV, tandis que dans 17%, les observateurs l’ont également fait.

Malgré le bon déroulement du scrutin, SAFIDY a constaté à plusieurs reprises que la formation insuffisante des membres des BV a altéré l’application homogène et adéquate des procédures.

  • Observateurs nationaux et internationaux

Quatre missions d’observation internationale ont été présentes pour les élections législatives notamment SADC, UA, OIF, ONG indépendante africaine. Quant aux observateurs nationaux, selon le dernier chiffre de la CENI, 107 OSC ont été accrédités qui montre une nette augmentation du nombre des observateurs par rapport à l’élection présidentielle (70 OSC).

XI. Traitement des résultats

SAFIDY observe la réception et le traitement des résultats au niveau des 120 districts du pays et au niveau de la CENI. Des incidents ont été rapportés dans les districts de Tsihombe et Tsiroanomandidy. Nos observateurs ont témoigné des incendies des SRMV dans les deux districts. A Tsihombe, le bureau du démembrement de la CENI et du délégué d’arrondissement ont également été assailli. Les documents électoraux ont été impactés selon le rapportage.


1 Article 23, Loi 2018-010 relative à l’élection des députés

2 /p/resultats-definitifs-du-rgph-3

3 Article 5 de la loi n° 2015 – 020 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et
de la gestion des opérations électorales dénommée « Commission Electorale Nationale Indépendante”

4 Du 1er décembre de l’année N au 15 mai de l’année N+1

5 /permalink.php?story_fbid=pfbid02bVz3GSxEyY1vDZWNpXCUGnrB7N3aLzUCwt
o8HHPJnVn7aRrQoo9WjTwLPZ2ZADR3l&id=61558207896257

6 la loi n° 2016-029 du 24 août 2016 sur la communication médiatisée et réorganisée par la loi n° 2020-006

7 articles 110 à 116 de la loi organique n° 2018-008 sur le régime général des élections

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