Déclaration préliminaire sur l’observation des électionscommunales et municipales de 2024
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Communiqué de presse

Les élections communales et municipales de 2024 ont été marquées par plusieurs irrégularités et des défis persistants en matière de transparence et d’inclusivité

Antananarivo, 14 décembre 2024

Constats généraux

Le jour du scrutin s’est déroulé relativement dans le calme avec le respect des procédures de vote et la suffisance des matériels de vote au niveau des BV observés malgré les irrégularités signalées à travers les numéros verts. La présence des forces de l’ordre à l’intérieur et aux abords directs de certains BV a été signalée par 20,4% des BV observés.

Le taux de participation demeure faible dans les BV observés par SAFIDY même si elle présente une légère hausse par rapport aux élections communales de 2019. Il s’élève à 39,3 % contre 33,3% lors de ces précédentes élections. Le taux de participation est plus élevé et supérieur à 45% dans les régions de l’Androy (54,8%) Fitovinany (47,8%) et Atsimo Atsinanana (47,4%), tandis qu’il est plus faible et inférieur à 30% dans les régions de Ihorombe (27%) et DIANA (28,7%). Pour rappel, le taux de participation officiel sera publié par la CENI.

Les élections communales et municipales illustrent le renforcement du pouvoir du parti présidentiel « Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina » (IRMAR), qui déploie une stratégie massive pour consolider son ancrage local avec une couverture nationale, tandis que les partis d’opposition, bien que scindés, tentent de redynamiser leur présence à travers leur parti d’origine pour contrebalancer la domination de la coalition
présidentielle. Toutefois, les tensions internes et les désaccords au sein de l’opposition, exacerbés par des rivalités sur la désignation des candidats, affaiblissent leur cohésion et compromettent leur capacité à présenter un front uni face au pouvoir en place.

L’analyse juridique met en lumière plusieurs points d’attention notamment l’interprétation floue et abusive de l’exception au principe de gel de la liste électorale, le report tardive des élections et la prorogation des mandats des maires sortants sans base légale claire, ainsi que des réformes électorales principalement motivées par des considérations politiques, telles que le retour à un mode de scrutin proportionnel et l’alignement des mandats municipaux avec ceux présidentiels.

SAFIDY soulève quelques préoccupations majeures concernant la gestion des élections communales et municipales de 2024. Parmi celles-ci figurent des nominations opaques au sein des démembrements de la CENI ont suscité des doutes sur l’indépendance et la neutralité de ces organes, en particulier après le renouvellement partiel des membres des Commissions Électorales de District (CED) sans explications officielles claires, et avec des membres issus de l’entourage politique du pouvoir. De plus, le remplacement récurrent des chefs de Fokontany à l’approche des élections a alimenté la méfiance, créant un climat de suspicion sur la partialité du processus électoral, car ces remplacements ont été perçus comme un moyen de renforcer les réseaux politiques locaux. La révision exceptionnelle des listes électorales, menée par voie d’ordonnance,
a également été source de confusion, notamment en raison de contradictions dans les procédures de sa mise en œuvre et des facilités accordées aux chefs fokontany d’effectuer toutes les démarches, ce qui a fragilisé la confiance dans la transparence du processus. Enfin, le manque de transparence, notamment le refus de rendre publics des éléments clés tels que le budget et les calendriers de formation, a compromis la crédibilité du processus électoral, tout en limitant l’efficacité des observateurs dans leur rôle. Malgré nos insistances à pouvoir observer les formations octroyées aux démembrements et des membres de BV, la CENI n’y a donné suite que dans quelques districts.

L’enregistrement des candidatures aux élections communales et municipales de 2024 a été entravé par des exigences administratives lourdes, notamment la nécessité de fournir des documents difficiles à obtenir. Cela a particulièrement affecté les candidats des zones rurales. L’obtention du certificat de régularité fiscale 211 bis, en particulier, a conduit au rejet de certaines candidatures et a engendré des coûts financiers élevés, freinant l’accès à la candidature. Face à la faible participation initiale, la CENI a prolongé le délai de dépôt des candidatures et a simplifié certaines démarches, ce qui a entraîné une légère augmentation du nombre de candidatures. Parallèlement, une hausse des cautions électorales, allant de 21% à 82% par rapport aux élections de 2019, a été constatée, bien que cela n’ait pas dissuadé les candidatures indépendantes. Concernant le fichier électoral, une révision exceptionnelle a permis d’ajouter 60 650 nouveaux électeurs, portant le nombre total à 11 691 806 inscrits, avec une hausse modeste mais significative de 0,52%. La campagne de sensibilisation menée à Antananarivo s’est révélée efficace, surpassant même les méthodes traditionnelles de révision annuelle.

La participation des femmes et des jeunes en tant que membres des bureaux et d’observateurs électoraux est relativement élevée. Toutefois, leur présence en tant que candidats demeure limitée, malgré leur nombre important en tant qu’électeurs. En ce qui concerne les personnes handicapées, leur participation reste marginale en raison de l’absence de données adaptées et de l’insuffisance d’accessibilité dans les bureaux de
vote.

La campagne électorale a souffert d’un manque d’enthousiasme et d’un désintérêt généralisé de la population, accentué par des préoccupations quotidiennes telles que l’inflation et les pénuries, qui ont alimenté cette apathie. De plus, des pratiques comme la distribution de vivre et de biens ont détourné l’attention des véritables enjeux politiques, renforçant une vision transactionnelle du vote. La neutralité de l’administration publique a été mise à mal par l’implication de fonctionnaires et l’utilisation de ressources publiques au profit de certains candidats.

Les campagnes d’éducation et de sensibilisation électorale, soutenues par divers partenaires, ont eu une portée géographique restreinte, se concentrant principalement sur les zones urbaines, et n’atteignant pas les cibles prioritaires. Des messages inadaptés pour les personnes handicapées sont constatés.

Lors des élections de 2024 à Madagascar, Facebook a été un outil stratégique pour la communication des candidats et la dénonciation des irrégularités, mais a aussi amplifié la désinformation, exacerbant les tensions politiques. Le jour du scrutin, 269 cas de mésinformation, désinformation et malinformation ont été relevés, notamment des accusations de fraude, ce qui a alimenté la méfiance envers les institutions électorales et attisé les tensions sociales. Parallèlement, l’absence de mise en place de l’Autorité Nationale de Régulation de la Communication Médiatisée (ANRCM) a empêché une régulation indépendante des médias, laissant la CENI gérer l’accès aux services de radiodiffusion sans délibération officielle, soulignant la nécessité d’une régulation
médiatique pour garantir la liberté et le pluralisme des médias.

Depuis le début de la campagne électorale, SAFIDY a reçu 184 signalements à travers ses numéros verts. Les signalements les plus récurrents étaient liés à la participation des agents de l’administration à la campagne électorale; les rajouts suspicieux dans la liste électorale par voie d’ordonnance; la suspicion de fraudes électorales durant le jour de scrutin; la perte du droit de vote par les personnes ne figurant plus dans la liste
électorale; les bourrages d’urnes causant des incidences électorales ainsi que la violation du caractère immédiat de l’établissement des PV

Méthodologie

Fidèle à son engagement en faveur de la transparence et de l’amélioration des processus électoraux depuis les présidentielles de 2018, SAFIDY poursuit son observation dans le cadre des élections communales et municipales de 2024. Cette fois, SAFIDY a assuré une couverture de 2455 bureaux de vote répartis dans 205 communes, couvrant les 120 districts et 23 régions du pays. Le choix des zones d’intervention repose sur plusieurs critères, notamment le poids électoral, la présence d’observateurs intègres et la dynamique politique locale.

Organisation du dispositif d’observation:
Sur le terrain :
● 1737 observateurs fixes et mobiles déployés sur le long et le court terme, composés à 50% de femmes, 78% de jeunes, et 2% de personnes handicapées, issus de 386 associations, ONG, plateformes et réseaux de la société civile. Parmi eux, 208 sont des observateurs bénévoles.

Au niveau national :
● Un centre de recoupement et de traitement des données collectées incluant un centre d’appel, des informaticiens et une équipe pluridisciplinaire notamment politique, juridique, électoral, médiatique, droits humains et sensibilisation ;
● Un centre de réception et de traitement des signalements composé par une équipe de juristes;
● Un centre de veille impliquant les forces de sécurité, la CNIDH (Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme), le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de droit établi pour la résolution rapide des problèmes signalés y compris la prévention des violences électorales.

Par ailleurs, SAFIDY collabore avec le projet Maneho/LEM, initié par Internews et mis en œuvre par un consortium, dont l’ONG Ilontsera et l’ONG Communication Idea Development (CID). Ils ont mené un monitoring des médias traditionnels pour identifier les violations de la liberté de la presse et observer le traitement du processus électoral par les journalistes et un monitoring des discours haineux et des cas de désinformation sur les réseaux sociaux sera également effectué.
SAFIDY poursuit son observation jusqu’au terme du cycle électoral, en couvrant le traitement des résultats, les contentieux électoraux, la proclamation des résultats et leur acceptation par les différents acteurs. Un rapport final, incluant des recommandations techniques, sera publié après l’annonce des résultats officiels

L’observatoire SAFIDY est une structure indépendante, et neutre, dotée d’un savoir-faire technique et d’analyse
en matière d’observation électorale. Il a pour mission de recueillir et d’analyser les données et les faits saillants
sur le déroulement des élections et de publier ses constats et recommandations techniques. En respectant lesprincipes fondamentaux d’objectivité et de neutralité politique, SAFIDY observe l’ensemble du processus électoral des élections communales de 2024. Son objectif est de contribuer à la transparence du processus électoral

L’observatoire SAFIDY est soutenu financièrement par l’Union Européenne et l’Organisation Internationale
de la Francophonie. Le contenu des communiqués relève de la seule responsabilité de SAFIDY et de ses
Organisations membres de la société civile suivantes : AIM, PFNOSCM-Vohifiraisana, DRV, YMCA, FTMF,
CEDII, MSIS TATAO, ONG Ravintsara, ONG Ivorary et Alliance Voahary Gasy et ne peut aucunement être
considéré comme reflétant le point de vue de l’Union Européenne et de l’Organisation Internationale de la
Francophonie.

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