DECLARATION PAR RAPPORT AU CONTEXTE ELECTORAL ET A LA TENUE DESELECTIONS PRESIDENTIELLES DU 16 NOVEMBRE 2023

COMMUNIQUE DE PRESSE

Antananarivo, le 13 novembre 2023

Dans un contexte électoral tumultueux, et un environnement politique instable et inquiétant, SAFIDY présente ses premières analyses.

Suivant les différents constats émis ci-après, SAFIDY estime que les conditions favorables pour une élection libre, intègre et crédible ne sont pas réunies pour la tenue du premier tour de l’élection présidentielle du 16 novembre 2023. Que les tensions actuelles ne permettent pas aux citoyens de faire un choix éclairé, que la méfiance grandissante des citoyens envers les institutions électorales et les violations croissantes des droits humains menacent la crédibilité, l’acceptation des résultats, et la démocratie.

L’observatoire des élections SAFIDY :
L’observatoire SAFIDY ou Sampana Anaraha-maso ny Fifidianana, Ivon’ny Demokrasia Ifarimbonana, (Observatoire des élections, au cœur de la démocratie participative) est une structure indépendante, dotée d’un savoir-faire technique et d’analyse en matière d’observation électorale. Il a
pour mission de recueillir et d’analyser les données et les faits saillants sur le déroulement des élections et de publier ses constats et recommandations techniques.
En respectant les principes fondamentaux d’objectivité et de neutralité politique, SAFIDY observe l’ensemble du processus électoral des présidentielles de 2023 depuis la refonte totale de la liste électorale jusqu’à la proclamation officielle des résultats. Son objectif est de contribuer à la
transparence, la crédibilité et l’acceptation par tous des résultats des prochaines élections, gages de la consolidation de la démocratie et de la paix, socle du développement durable à Madagascar.
La présente déclaration rapporte les premiers constats de SAFIDY sur le contexte électoral actuel et la tenue des élections présidentielles de 2023.
● Par rapport au cadre juridique et contentieux électoral :
SAFIDY constate que le gouvernement a respecté les principes de périodicité et régularité des élections et note la réforme juridique sur l’autorisation des panneaux publicitaires dans le décret sur les modalités d’organisation de l’élection présidentielle de 2023. Toutefois, SAFIDY regrette l’absence
d’amélioration des textes législatifs malgré les recommandations ainsi que les plaidoyers réalisés par les acteurs nationaux et internationaux
notamment l’absence d’efficacité dans la régulation du financement des campagnes, le manque de cadre pour la période de pré-campagne électorale, l’absence de sanctions en cas de violation de règles, et la nécessité de renforcer les mesures garantissant les libertés d’expression.

SAFIDY déplore également le déni de justice et le refus de prise de responsabilité de la Haute Cour Constitutionnelle, de la juridiction civile, ainsi que du gouvernement par rapport à l’application de l’article 42 du Code de la Nationalité. SAFIDY souligne ses inquiétudes quant à la destitution
précipitée de l’ancien président du Sénat à la suite de la révélation des menaces et des pressions qu’il a subies. De ce fait, SAFIDY appelle le Ministère public à procéder aux investigations nécessaires à la confirmation à ces allégations. SAFIDY note que les dernières décisions de la HCC ont engendré un sentiment de rupture de l’État de droit vis-à-vis des acteurs.
Par ailleurs, SAFIDY critique la non-conformité de l’ordonnance n°60-08 à la constitution et au principe démocratique et souligne que l’application de cette ordonnance par l’État sous prétexte de préserver l’ordre public, restreint l’espace civique et politique, constituant une atteinte aux libertés
d’opinion, d’expression et de réunion.

● PAR RAPPORT AU CONTEXTE POLITIQUE ET AU RESPECT DES DROITS HUMAINS:
Un des faits les plus marquants de 2023 a été la reconfiguration du paysage politique. Cette nouvelle configuration subdivise l’échiquier politique en deux camps bien opposés ayant néanmoins des intérêts bien distincts : d’une part, le collectif des dix (10) candidats opposés à la tenue des élections pour le 16 novembre de 2023 et d’autre part, ceux des candidats poursuivant leurs opérations de campagne électorale. SAFIDY note que la formation du collectif des candidats qui remet en cause l’intégrité du processus électoral provient de la validation de la candidature du Président sortant par la HCC et les décisions autour du transfert de la fonction de chef d’Etat au gouvernement collégial. Le collectif des candidats a organisé des marches pour manifester leur opposition à la tenue des élections sous les conditions qu’ils jugent partiales et non équitables. Cette non-participation au processus électoral de la majorité des candidats risque d’impacter sur la participation des électeurs au scrutin.
L’accroissement des soutiens en faveur du collectif témoigne de l’environnement électoral tumultueux qui risque de compromettre la crédibilité et la légitimité des élections.
SAFIDY condamne la répression de la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique par la prépondérance de la violence policière et des arrestations arbitraires et violente envers les manifestants et leaders politiques, l’utilisation non proportionnée des armes de dispersion causant plusieurs blessés et le blocage des voies publiques entravant la liberté de circulation. Par ailleurs, SAFIDY partage ses inquiétudes par rapport à l’aveu du Président sortant sur l’achat d’un logiciel d’espionnage, entravant ainsi le respect de la vie privée et des libertés individuelles. SAFIDY est préoccupé sur la potentielle utilisation de ce logiciel à des fins politiques surtout en période électorale. SAFIDY regrette également l’absence des femmes sur la liste finale des candidats aux élections présidentielles de 2023 et dans la composition des membres de la CENI.

● PAR RAPPORT L’ADMINISTRATION ELECTORALE :
SAFIDY apprécie la distribution d’une grande partie des cartes électorales par la CENI et la mise en place des bureaux électoraux dans le temps. Néanmoins, SAFIDY regrette que la plupart des cartes soient illisibles.
Concernant le budget de la CENI, SAFIDY note une hausse significative mais souligne le manque de transparence sur l’utilisation des fonds. Par ailleurs, SAFIDY exprime ses préoccupations quant à la formation insuffisante des membres de bureau de vote avec impact sur le déroulement du scrutin.
SAFIDY s’inquiète sur l’acheminement des matériaux de vote au niveau des fokontany en l’absence des forces de l’ordre nécessaire.
SAFIDY apprécie les actions de la CENI, telles que la formation des journalistes et des organisations de la société civile.
En ce qui concerne l’audit du fichier électoral, SAFIDY apprécie les efforts de transparence, mais déplore l’absence de coordonnées GPS pour les bureaux de vote. L’organisation salue également l’inclusion de 3000 aveugles grâce à des bulletins uniques, mais regrette l’insuffisance de mobilisation des organes en charge des personnes en situation de handicap et le non-respect du secret de vote.
Pour le déploiement des missions internationales, SAFIDY note l’arrivée les missions d’observation internationale de l’Union Africaine, de la SADC, et du conseil de l’Europe. Pour les observateurs locaux, KMF CNOE, Centre Arrupe et la Justice et Paix vont aussi mobilisés des observateurs.

● PAR RAPPORT A LA REFONTE DE LA LISTE ELECTORALE :
Sur le processus de refonte l’analyse de SAFIDY se fonde sur les 11 043 836 électeurs inscrits dans la liste électorale définitive au 20 juillet 2023, représentant une augmentation de 11,6% par rapport à 2018.

Bien que le taux de couverture soit de 81,2%, dépassant l’objectif de la CENI, il reste inférieur à la projection du RGPH-3 pour 2022, évalué à 73,6%. Les variations régionales montrent une baisse de 3,5% et 1,0% dans les régions d’Analamanga et de Melaky, tandis que d’autres régions enregistrent
des augmentations dépassant 20%, atteignant même plus de 30% pour la région Sofia. SAFIDY regrette la faible inscription de jeunes de 18 ans sur la liste électorale qui représente 0,3% du fichier électoral, excluant ainsi 95% de cette tranche d’âge. Les jeunes de 19 et 20 ans, ne sont présents
qu’à hauteur de 6,1%, excluant 60% de cette catégorie. En termes de répartition par sexe, les femmes sont sous-représentées dans la liste électorale,

• PAR RAPPORT LA CAMPAGNE ELECTORALE :
Les données analysées par SAFIDY pour la présente déclaration couvrent 670 communes répartiesdans 117 districts jusqu’à la date du 10 novembre 2023, soit 40,7% des communes du pays.
La période de campagne est marquée par l’abstention du Collectif des 10 candidats et la protestation du processus électoral actuel. Ces manifestations ont eu lieu principalement dans la Capitale et les grandes villes comme Antsirabe et Toliara.
3 sur les 13 candidats seulement ont faits des campagnes électorales sur terrain au niveau de 494 Communes, ce qui représente 73,7% des communes observées par SAFIDY. Campagnes fortement dominées par le candidat n°3 ayant couvert 96,6% de ces communes, suivies par le candidat n°13 qui
a couvert 57,9% et le candidat n°11 avec seulement une couverture de 4,7% des communes. Toutefois, seulement 31,8% de ces communes ont été visitées par les candidats en personne, généralement dans les chefs-lieux de région et/ou district. Le reste par les comités de soutiens à travers des réunions publiques et par la distribution de tracts et affiches respectivement dans 64,8% et 67,8% des communes. Très peu des communes, soit 6,3%, ont enregistré une campagne électorale propageant des discours haineux ou favorisant les clivages/conflits ethniques, et 6,5% des communes avec des propos diffamatoires ciblant d’autres candidats.
L’utilisation de matériels et ressources publiques pour faire élire le candidat n°3 a été flagrante dans 4,9% communes observées. La participation des agents publics dans le cadre de campagne électorale a été remarquée dans 25% des communes notamment les personnels de l’éducation observée dans 15,8% des communes, et des Chefs Fokontany et Adjoints dans 9,5% des communes.
La distribution d’argent par les candidats ou ses partisans ont été répertoriés dans 7,9% des communes observées. La distribution d’articles ou de biens divers comme les parasoleils, tee-shirts, cuvettes, vivres, fournitures scolaires a été remarquée dans 22,5% des communes observées. Nos observateurs ont particulièrement remarqué l’utilisation du terme « Tosika fameno/TF », le transfert monétaire dédiés aux ménages vulnérables pour appâter les électeurs. A cause de ces faits, 28,9% de nos observateurs estiment que les candidats dépensent des sommes exorbitantes pendant les campagnes électorales.
Pour les campagnes à travers les médias, une part importante des communes observées, soit 72,24% et 75,22% ont accès respectivement à la radio et au facebook, et moins de la moitié, soit 48,8% ont accès au TV. 20,65% de nos observateurs ont affirmé avoir constaté des campagnes à travers les medias traditionnels dont plus de la moitié de nos observateurs ont signalé des émissions médias émettant des
propos diabolisant des candidats adverses.
Généralement, la campagne des 3 candidats (n°3, n°11, n°13) s’est déroulée dans le calme au niveau des communes ayant fait l’objet d’observation, avec 2,4% des communes qui ont relevé des cas de troubles ou violences dont à Ambilobe, CU Fianarantsoa, Antananarivo renivohitra, Imerintsiatosika,
Andoharanofotsy, Vohitrambo, Fitampito et Antsiafabositra.

• METHODOLOGIE D’OBSERVATION DU JOUR J
Dans le cadre de son observation pendant le jour du scrutin, SAFIDY couvre les 23 régions, les 119 districts et 880 communes du pays, et déploie 5000 observateurs issus de 800 associations, ONG, plateformes et réseaux confondus.
• DISPOSITIF D’OBSERVATION DU JOUR DU SCRUTIN :
Afin d’observer le processus électoral pour cette élection présidentielle, l’observatoire SAFIDY a mis en place un dispositif comprenant :

  • Une équipe nationale chargée de la formation en cascade des observateurs, de coordination des activités d’observations et de la relation avec les acteurs concernés par les élections.
  • Une équipe d’analystes et de statisticiens chargés du traitement des données et de la présentation des premiers résultats d’observation.
  • Une équipe de terrain composée d’observateurs à long terme au niveau des districts et des communes, et d’observateurs à court terme au niveau des bureaux de vote. Les données collectées par les observateurs sur le terrain sont envoyées en temps réel à l’équipe d’analystes pour traitement
  • Une équipe chargée de relever les signalements et de transmettre les informations à la cellule de veille constituée par des représentants de la CENI, des Forces de sécurité, de la CNIDH et des OSC.

Par rapport au choix des zones d’intervention les communes concernées par l’observation ont été choisies selon trois critères : le niveau de risque, le poids électoral et la présence d’observateurs intègres dans la zone.
SAFIDY va effectuer deux communiqués lors du jour du scrutin et une déclaration préliminaire ce samedi 18 novembre 2023.

L’observatoire SAFIDY est soutenu financièrement par l’UE. Les contenu des communiqués relève de la seule responsabilité de SAFIDY et de ses Organisations membres de la société civile suivantes:
AIM, PFNOSCM-Vohifiraisana, DRV,YMCA,FTMF,CEDII,MSIS TATAO, ONG Ravintsara, ONG Ivorary et Alliance Voahary Gasy et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l’Union Européenne.

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